Par Culture pour tous - Illustration ©Youloune
Marie-Christine Morin, directrice générale de la FCCF (Fédération culturelle canadienne-française) nous entraîne dans une exploration de Culturepédia, mettant en lumière son rôle essentiel dans la valorisation de la culture en francophonie canadienne.
Qu’est-ce que la FCCF et quelle est sa mission ?
La Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) est l’organisme porte-parole du secteur des arts et de la culture en francophonie canadienne et acadienne. Nous fédérons un réseau tentaculaire de 22 organismes situé dans toutes les provinces et territoires, à l’exception du Québec et du Nunavut. Nous avons des représentants partout au pays : 13 organismes provinciaux et territoriaux contribuent au développement culturel et artistique de leur région, 7 organismes nationaux représentent les arts médiatiques, les arts visuels, la chanson et la musique, l’édition et le théâtre. Nous comptons aussi un regroupement pancanadien de diffuseurs des arts de la scène et une alliance de radios communautaires.
Nous avons trois volets d’actions principaux. Le premier est politique et consiste à faire de la sensibilisation auprès des bailleurs de fonds, décideurs et gouvernements pour s’assurer que les lois et programmes reflètent les intérêts et les enjeux du secteur en francophonie canadienne. Le deuxième est un mandat de concertation réseau avec nos organisations membres avec lesquelles nous faisons des points de rencontres régulières pour être au fait de ce qui se passe sur le terrain. Enfin, le troisième volet d’action porte sur l’innovation et le développement du secteur, car nous sommes aussi porteurs d’initiatives de projets à l’échelle pancanadienne, dans différents domaines : l’éducation artistique, la présentation d’activités culturelles en milieu scolaire et tout ce qui appartient au volet numérique du secteur. Le projet Culturepédia s’inscrit donc dans notre dernier volet.
Je dirais que la FCCF est branchée de près ou de loin à tout ce qui se fait en art et culture en francophonie canadienne.
Qu’est-ce qui vous a motivés à vous engager dans Culturepédia ? Y avez-vous adhéré tout de suite ou avez-vous eu des réserves ?
Il n’y a pas eu beaucoup de réserves, non. La FCCF réfléchit depuis de nombreuses années à l’impact social de la culture, c’est quelque chose qu’on tente non seulement de mesurer mais aussi de mettre en valeur. Et l’impact des activités artistiques culturelles, c’est ce que nos membres font sur le terrain. Il y a donc un intérêt marqué pour mettre en valeur ce travail, que nous jugeons être un service essentiel. Culturepédia devenait une façon de s’inscrire un peu dans cette recherche-là, de trouver des façons de faciliter ça, de le structurer davantage. Ça entre tout à fait dans l’esprit de la FCCF, qui veut bâtir une culture de la donnée, que de pouvoir mieux se servir des données qu’on collecte, de les structurer et de les faire parler davantage. Nous sommes partenaires avec Culture pour tous depuis longtemps. C’est une organisation avec laquelle nous avons évidemment des atomes crochus, et c’était une belle occasion de pouvoir nous réunir dans les francophonies, avec un objectif commun qui était de faire parler la donnée, puis de rendre justice au travail de terrain qui se fait en culture. C’est donc une belle opportunité, c’est une première en fait, de s’inscrire dans un esprit d’innovation. Ça fait aussi partie de l’ADN de la FCCF.
Quel a été le rôle de la FCCF depuis le début et tout au long de l’élaboration de Culturepédia ?
Évidemment, dans un premier temps il y avait toute une réflexion, un déblayage pour tout mettre en place. La FCCF a fait partie de ce bouillonnement d’idées. Mon organisation participe à toutes les activités de réflexion à deux niveaux. À la FCCF, on collecte nous-mêmes de la donnée à certains égards, pour certaines de nos initiatives. Donc, on va pouvoir contribuer à cette fiducie de façon assez pratico-pratique. Nous allons aussi amener nos membres à effectuer cet exercice là sur le terrain pour collecter et traiter des données. C’est un travail d’accompagnement pour amener ces organisations à participer à ce projet-là, éventuellement. C’est un peu le rôle de chef de file que la FCCF va jouer dans ce projet-ci.
Est-ce que l’engagement a évolué dans le temps ?
Je pense que oui. On se serait parlé il y a cinq ans, je ne suis pas certaine que la donnée aurait été aussi présente dans nos esprits, ni qu’on aurait déployé autant d’énergie et d’efforts et qu’on se serait conscientisé à la nécessité de participer à ce mouvement-là. Il y a cinq ans, on n’était pas rendus là. Ces dernières années, notamment à cause de la pandémie, la transformation numérique est devenue plus vraie que jamais et la collecte de données fait partie des enjeux du secteur. En d’autres termes, les choses ont évolué plus rapidement ou à un rythme plus soutenu, ce qui signifie qu’il faut s’engager davantage pour suivre le mouvement. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut agir sans réfléchir ou sans esprit critique, cela implique de se joindre à ce mouvement pour rester pertinent et visible, sinon on risque de manquer le bateau.
Quel sera le plus grand défi à relever avec Culturepédia ?
Je pense évidemment qu’il y a des défis à tous les stades. Que ce soit la cueillette de données, leur traitement, leur analyse. Pour nous, en francophonie canadienne, je dirais que le défi sera d’amener les organisations sur le terrain à comprendre la nécessité de faire du travail de fond sur les données qu’elles collectent. Avoir des données de qualité, qui puissent être traitées, éventuellement se parler et raconter des histoires… Ça, c’est un défi de taille, parce que c’est un travail de longue haleine qui demande des efforts, de l’énergie et des ressources, actuellement manquantes. On le ressent particulièrement en francophonie canadienne car le Québec a une petite longueur d’avance avec le réseau des agents de développement numérique (ADN) et les investissements dans le numérique qui ont donné un élan particulier. Alors qu’en francophonie canadienne, on y arrive plus doucement. Il y a eu quelques investissements au cours des dernières années, mais jamais à la hauteur de ce qui s’est passé au Québec. Cependant, des choses sont en cours dans ce projet. Il y a déjà des données, et on est en train de voir de quelle façon on est capable de faire rouler l’engrenage d’une fiducie. Mais à long terme, tout un travail de mobilisation de terrain est nécessaire autour de ça. On partage ce défi avec nos collègues autour de la table de Culturepédia. Mais ensemble, avec la force du groupe, c’est plus facile !
Quelles sont les raisons de recommander Culturepédia aux organisations culturelles et les artistes issus de la francophonie canadienne ?
Je pense que c’est un moyen structuré et solidaire de faire valoir l’impact de la culture francophone à sa juste valeur pour les communautés et les collectivités.
En quelques mots, pouvez-vous nous expliquer votre rôle en tant que fiduciaire ?
Comme il faut établir des paramètres derrière ce moyen légal qu’est la fiducie, ça prend des gens qui vont être responsables d’établir des paramètres et de s’assurer qu’ils sont bien respectés. Le rôle des cinq partenaires fiduciaires est de réfléchir aux balises nécessaires pour que cette fiducie de données soit éthique, respecte la protection des données et le traitement de celles-ci. Donc, ultimement, que la façon dont on va utiliser ces données-là soit la plus proche possible du mandat de la fiducie qui est de pouvoir raconter l’histoire de l’impact de la culture. Pour nous, ça n’est pas à des fins commerciales mais vraiment à des fins de développement social.
Quelles sont les prochaines étapes dans le développement de Culturepédia ?
Nous sommes rendus à l’étape des tests à petite échelle pour voir de quoi ça pourrait avoir l’air. Il y a aussi une réflexion sur les accès. Que les gens contribuent, ou pas, à cette fiducie, à quoi va-t-on leur permettre d’accéder ? C’est une année de prototypage, d’exploration de la mécanique pour voir de quelle façon on doit s’y prendre. Un essai doit être réalisé avec un certain nombre de données, puis on va voir de quelle façon on réussit à les rendre interopérables. Cette année est donc une phase exploratoire.
Le mot de la fin ?
Je constate que la culture est un service essentiel à nos communautés et que cette initiative va dans le sens de pouvoir témoigner de ça d’une façon plus structurée que ce qu’on a pu faire dans le passé. Je pense que c’est porteur, et je crois en la force des organisations qui ont la même ambition. C’est un beau projet dans le sens de la force d’un groupe qui réfléchit et met à contribution l’intelligence collective autour d’un bien commun que nous allons vouloir mettre en valeur. Et ça, c’est porteur !