Septième Matinée numérique : l’IA au centre des discussions

Par Culture pour tous

La rentrée a démarré en beauté avec la tenue de la 7e Matinée numérique, le 19 septembre dernier. Organisée par Culture pour tous, LaCogency, Avantage numérique, la FCCF et CAPACOA, cette rencontre trimestrielle examine les progrès des projets de mutualisation de données au Québec et dans les francophonies canadienne et acadienne. Lors de cette édition, l’accent a été mis sur le projet ArtIA de Sporobole, sur les enjeux liés à l’intelligence artificielle dans le secteur culturel ainsi que sur les données descriptives au ministère de la Culture et des Communications. L’intelligence artificielle en milieu culturel a de beaux jours devant elle!

Véronique Marino, cofondatrice de LaCogency, a animé cette rencontre réunissant participant·e·s et intervenants autour de sujets passionnants.

Éric Desmarais, directeur général du centre d’exploration artistique Sporobole à Sherbrooke, a présenté le projet ArtIA. Né en 2021 dans le contexte de l’essor de ChatGPT, ce projet interroge les impacts de l’intelligence artificielle sur la culture. Développé en collaboration avec la Société des arts technologiques (SAT) et Projet collectif, ArtIA est une initiative de trois ans qui fonctionne comme un laboratoire vivant et rassemble des chercheur·euse·s de plusieurs universités. Son objectif? Explorer les risques et les perspectives de l’IA en confrontant ces enjeux à la pratique artistique, tout en soulevant des questions éthiques.

À ce jour, près de 30 artistes ont déjà bénéficié de résidences couvrant des disciplines variées, comme les pratiques sonores et le cinéma indépendant. Une seconde cohorte est prévue en 2025. Des questions cruciales se posent : comment développer des modèles d’IA non censurés, qui respectent pleinement la liberté artistique? Comment s’assurer que l’IA répond aux enjeux créatifs sans être influencée par des normes ou des standards moraux extérieurs? Les artistes et les chercheur·euse·s impliqué·e·s travaillent justement à trouver un équilibre entre les possibilités techniques offertes par l’IA et la nécessité de préserver l’intégrité et la diversité des expressions artistiques. Un autre aspect d’ArtIA concerne cette fois les organisations culturelles internes, notamment l’automatisation de certaines tâches. L’une des expérimentations du projet a consisté à reproduire le style d’écriture d’un chargé de communication d’une agence. Si l’outil IA peut effectuer le travail de ce dernier, quelles pistes les organisations doivent-elles explorer pour garantir une éthique en matière de ressources humaines, et à qui appartient ce clone ? Les interrogations soulevées par cette expérimentation seront d’une grande importance pour de nombreuses organisations à l’avenir.

Avec autant d’avancées, il est légitime de se demander jusqu’où l’IA pourrait nous mener et si les recherches actuelles ne risquent pas de devenir obsolètes. En réponse, Christophe Prévost s’exprime : « L’intelligence artificielle évolue rapidement, mais nous travaillons sur ces questions depuis deux ans déjà. Les enjeux demeurent constants, ce qui signifie que nos actions ne deviendront pas obsolètes à moyen terme. »

Christophe Prévost, conseiller en IA, réglementation et télécommunications et conseiller aux politiques auprès du ministère de la Culture et des Communications (MCC), est le deuxième intervenant de la matinée. Dans sa présentation sur les défis et opportunités de l’intelligence artificielle dans le domaine culturel, il aborde les actions ministérielles en la matière. À l’instar d’Éric Desmarais, Christophe Prévost souligne que l’IA n’est pas un concept nouveau, mais que c’est l’essor de l’IA générative qui a soulevé de nouveaux enjeux, en raison de ses nombreuses répercussions sur les secteurs médiatique et culturel.

L’intelligence artificielle est aujourd’hui presque indispensable dans les chaînes de production de contenu numérique et culturel. Pourquoi se passer d’un système capable d’automatiser les tâches répétitives ou de mieux cibler les attentes du public pour améliorer nos offres ? Certes, tout n’est pas à rejeter dans l’essor de l’IA, même si les défis qu’elle présente doivent être pris au sérieux. Parmi ces enjeux : la perte d’emplois ou, au mieux, un fort pourcentage de reconversion, la protection des données personnelles et la question des droits d’auteur. La liste est longue.

Cependant, selon Christophe Prévost, les choses bougent du côté du Ministère. Des lois fédérales sur l’IA ont été adoptées, des révisions sur la législation existante, notamment concernant le droit d’auteur, sont en cours, et un guide sur l’utilisation de l’IA générative a déjà été mis en place. De plus, des financements sont présents, notamment pour des projets comme ArtIA de Sporobole. Le ministère des Relations internationales et de la Francophonie soutient également des initiatives telles que celle du Centre d’expertise International de Montréal en intelligence artificielle (CEIMIA), qui développe un système de recommandation éthique favorisant la découvrabilité du contenu audio francophone sur les plateformes.

Dans ce contexte dynamique, Alexandre Naud, conseiller en développement culturel numérique au MCC, joue un rôle clé. Il est responsable de la stratégie commune franco-québécoise en matière de découvrabilité culturelle francophone.

Mise en place en 2017, la mesure 111 du Plan culturel numérique du Québec visait à accroître les compétences en matière de métadonnées. En 2019, le MCC a adopté un plan stratégique sur quatre ans, prévoyant l’établissement de descriptions communes pour « uniformiser la grammaire » dans le domaine numérique culturel, plutôt que d’imposer un « vocabulaire commun », comme l’indique Alexandre Naud. Il est essentiel que les organismes sachent tirer parti de leur contenu grâce à une bonne utilisation de leurs données. Mis en place par le MCC, les 12 leviers de la découvrabilité sont des clés pour améliorer la visibilité des contenus culturels. Les financements qui visent à renforcer leur découvrabilité sont attribués dans une logique d’entente avec ces organismes et acteur·rice·s culturel·e·s : pour en bénéficier, ceux·elles-ci doivent se conformer aux normes établies par le Ministère, y compris l’application des 12 leviers.

Des échanges enrichissants lors de cette nouvelle Matinée numérique nous confirment qu’une chose est sûre : le Québec et la francophonie, surtout dans le domaine culturel, ne comptent pas se laisser distancer en matière d’intelligence artificielle, dont le potentiel est indéniable, tant au Québec qu’à l’international!